vendredi 20 novembre 2009

Opéra et Ballet

Dans chaque artisan, il y a un artiste prêt à éclore. Avant que l’artisanat se transforme en art, la danse, l’instrument, la voix ont dû être travaillés pendant de longues heures d’application assidue. Il faut aimer ça disent ceux pour qui ce n’est pas du travail – avec La Cigale et la Fourmi en guise de référence. L’une travaille pour l’essentiel, l’autre pour l’éphémère, avec l’air de s’amuser, en chantant. Mais c’est pourtant du travail. Jean-Laurent Cochet, que j’ai eu pour professeur, rappelait à ses élèves d’art dramatique l’exemple de la danseuse qui doit faire chaque jours ses barres ou de la chanteuse, ses vocalises. Il devrait en être de même pour les comédiens, disait-il.

Une vocation, un don, ça se travaille – avant de devenir artiste, il faut entièrement se consacrer à sa discipline. S’il faut aimer ça, il faut aussi le poursuivre dans le temps car le moindre écart coute cher. Certains de mes camarades-acteurs se sont écartés de leur vocation et de cette rigueur. J’en connais qui ont sombré dans l’alcool. L’expérience sur scène fait, que l’on acquiert l’assurance et que l’on peaufine sa technique. Mais de longues heures de répétitions ont aussi précédé le moment où l’on apparaît au public.

Je suis ainsi admirative devant le travail des chanteurs à l’Opéra et celui des danseurs dans un ballet. Tout récemment, je suis allée voir Salomé de Richard Strauss à l’Opéra Bastille. La cantatrice, la soprano Camilla Nylund, une jeune Finlandaise, a tenu la scène pendant près de deux heures dans le rôle principal d’une Salomé un peu désinvolte, qui, en se dépouillant peu à peu de ses voiles danse et séduit le vieil Hérode – jusqu’à ce qu’il lui promette la tête de Jochanaan (saint Jean Baptiste).

Autre spectacle, un ballet au titre étincelant Joyaux, comme ses décors et costumes aux couleurs d’émeraudes, rubis et diamants de Christian Lacroix, triptyque d’après une chorégraphie datant de 1967 de George Balanchine, évolue sur la scène de l’Opéra Garnier avec une exactitude d’horloge, avec les danseurs et l’orchestre de l’Opéra de Paris, sur les musiques de Gabriel Fauré, d’Igor Stravinsky, de Piotr Ilyitch Tchaïkovski. Leur mouvement sur scène, synchronisé, romantique, ravit par sa légèreté et sa grâce. Séduit, le public applaudit. Combien d’heures de travail et d’exercices l'avaient-elles précédé ?

mercredi 11 novembre 2009

A propos de la guerre


Aujourd’hui 11 novembre est férié, en souvenir de l’armistice qui a marqué la fin de la 1ère Guerre mondiale en 1918. Pour les Polonais, cette date a une signification supplémentaire, particulièrement importante : c’est à ce moment que la Pologne a recouvré son Indépendance après avoir été partagée pendant plus d’un siècle entre les empires russe, prussien et austro-hongrois.

A la sortie de l’ambassade où j’ai été invitée à cette occasion, j’accompagne une femme et nous parlons cette fois de la 2nde Guerre mondiale à laquelle elle a participé – notamment dans les rangs de l’Armée nationale (AK) au moment de l’Insurrection de Varsovie, en août et septembre 1944. Née moi-même à Varsovie, j’y ai vécu les années de guerre avec mes parents mais n’avais guère plus de 3 ans à cette époque.

Or j’ai redécouvert, il y a peu, des cahiers où des membres de ma famille ont retranscrit leurs souvenirs d’alors – écrits qui ne sont pas destinés à être diffusés… Mais je m’y vois petite fille, je fais la comparaison avec ce qu’il me reste dans ma mémoire d’enfant. Il y a dans ces récits de guerre tant d’images effrayantes ! Je les compare avec les miennes, des images d’enfant : la peur, la faim, les pendus devant nos corps agenouillés, l’errance, l’humiliation, un chien écrasé, un cheval mort et des gens qui s’affaissent auprès de nous, tués comme des mouches, la maison où nous sommes entassés dans une cave, qui vient de s’écrouler au-dessus de nous…

Je constate, à quel point les souvenirs que d’autres nous rapportent, leurs écrits, contribuent à mieux cerner l’histoire des familles et à se faire une idée plus précise à propos de ce que nos prédécesseurs ont vécu.

Je découvre par ailleurs quelques chiffres dans leur froideur de chiffres : à la veille de la guerre, Varsovie avait un million d’habitants. A la suite des déportations vers l'extermination et de l’écrasement du Soulèvement du Ghetto en 1943, la totalité de sa population juive avait disparu. Quant à la population non juive, aux premiers jours d’août 1944, il ne restait plus qu’une personne sur deux – un tiers environ de ceux qui restaient ont été tués au cours des deux mois de cette Insurrection.

Malgré des situations intenables pendant la guerre et la présence continuelle de la mort, j’ai échappé à celle-ci avec mes parents. Je me réjouis d’être vivante. Les autres n’ont pas eu cette chance.