dimanche 3 novembre 2013

Sarah Bernhardt au Cirque d’Hiver




Avec le temps, la légende d’un personnage s’impose aux générations suivantes. Sur le moment, le parcours est parfois semé d’embûches. En voici un exemple.

Alors qu’elle était encore en Pologne, Zapolska avait adapté pour la scène une des pièces de Sarah Bernhardt  – « L’Aveu ». Désormais à Paris, elle écrit pour des journaux varsoviens sur ce qui s’y passe.

Dans l’article ci-dessous, elle parle de Sarah. C’est pour y évoquer un incident mais c’est un des rares témoignages d’un œil étranger à son propos. Nous sommes en avril 1890. Le point de départ est d’informer ses lecteurs polonais de ce qui se joue dans des théâtres parisiens pendant La Semaine Sainte.

… Les églises rougeoient à cause des lumières qui brûlent autour des tombeaux parés de fleurs. Des femmes vêtues du noir sont recourbées sur leur prie-Dieu et elles prient. Venu de la chorale, le « Pro peccatis » de Rossini s’élève vers la voûte sombre, ou encore le gémissement du « Lacrimosa » de Mozart. A chaque fois qu’une des portes d’église, enveloppées du velours, s’ouvre, une bouffée  de l’air chaud du printemps s’y engouffre, ainsi qu’un peu du brouhaha de la rue – ce brouhaha si caractéristique de Paris. Les femmes qui priaient détournent la tête et, du dessous de leur voile orné d’une mouche, jettent un regard sur le rayon de lumière qui vient de se poser sur le sol. Ci et là, j’aperçois le profil aristocratique d’un homme appuyé contre une colonne, ou la silhouette svelte d’une femme qui émerge avec un bruissement de jupon en soie.

A Boulogne-sur-Seine, Monsieur Dardet, le maître de chapelle, a dirigé les « Sept paroles du Christ » de Deslandres. A l’église Saint-Séverin, le « Stabat Mater » de Mauger remplissait l’air. Et à L’Opéra-Comique, Pergolèse, Bach et Haendel ont enchanté l’assemblée par le faste de leur musique. Mesdames Simonnet, Nardi et Deschamps, toutes vêtues du blanc, ont chanté les « Trois Anges » de Mendelssohn. Et le « Stabat Mater » de Pergolèse, la plus belle des musiques terrestres, arrachait l’âme vers le pays de l’extase.

Au Conservatoire national, Paderewski a dirigé un concert consacré à Schumann. Au Châtelet, de belles interprètes de l’opérette et de merveilleuses ballerines, après avoir charmé les spectateurs dans leurs costumes couleur arc en ciel, ont cédé la place à Gounod qui, de sa baguette de chef d’orchestre, a fait entrer Madame Krauss, Mademoiselle B. Montaland, Pauline Viardot et d’autres. Tous les concerts, même ceux où se produisent des cancans, ont donné le « Concert spirituel », et jusqu'aux Folies Bergères qui sont restés fidèles à la tradition. Ce fut une véritable « semaine des mélodies ».

Magnificence qui a pourtant été perturbée par l’exécution de la « Passion » de Haraucourt, qui devait avoir lieu à l’Odéon avec la participation de Sarah Bernhardt. Monsieur Porel (acteur et directeur de l’Odéon) avait reculé en raison de la perspective d’un résultat incertain pour cette manifestation. Monsieur Lamoureux (chef d’orchestre à l’Opéra-Comique) a saisi au vol l’opportunité de présenter aux parisiens une chose nouvelle, qui agirait sur leurs sens. Lorsque  j’ai acheté le billet pour ce spectacle, j’ai eu l’intuition que ce serait « un four ».

Le Cirque d’Hiver où devait avoir lieu « La Passion » est une grande bâtisse, construite sans aucune considération pour ce qui est de l’acoustique.  Il était donc facile de prévoir que la voix de Sarah, qui déjà avait eu du mal à se faire entendre dans «Jeanne d’Arc » et qui avait été inaudible lorsque l’orchestre jouait dans la scène du couronnement, irait se perdre sous l’énorme voûte du Cirque.

La partie musicale du concert s’est déroulé correctement. Le Cirque était noir de monde. Lorsque Sarah est apparue, pour lire son rôle, trainant derrière elle les plis d’une robe blanche en laine, style Byzance, la foule s’est tue, se préparant à un festin spirituel. Sarah s’est assise, ayant à sa droite Monsieur Garnier et à sa gauche Monsieur Bremont (Pilate, Kifas, Judas). Derrière eux, la magnifique stature de Talazac, qui venait de recevoir une ovation de tout l’auditoire, après avoir chanté l’air de Méhul. Sarah commence enfin à lire.

Nous entendons le bruissement d’une mouche. On n’arrive pas à comprendre un seul mot. Garnier lui donne la réplique, le bruissement devient un peu plus fort, mais à peine. De la foule s’élève une clameur : « Plus fort ! » Sarah hausse les épaules et continue de bruire. Le public parisien est inflexible. Il veut être bien servi pour son argent. Commence un  vacarme indescriptible. – « La musique ! », crient les spectateurs en se penchant au-dessus des balustrades.

Sarah arrête d’émettre des sons et… commence à pleurer.  

Monsieur Haraucourt traverse alors l’arène en courant, comme une bombe, et tâche calmer le public qui s’en amuse. En vain ! Il agite les bras, son chapeau, mais le public ne veut pas de la « Passion », il ne veut pas de vers, il ne veut pas de Sarah… Il s’en tient à crier : « « La musique !».

Enfin les acteurs quittent l’estrade et Monsieur Lamoureux fait signe à l’orchestre de commencer à jouer « Parsifal ».

J’avoue que j’en avais assez de ce spectacle mais le public, se contentant de pouvoir entendre des percussions, s’est plongé dans l’écoute… de Wagner.


Traduction de Lisbeth Virol. Retouches par Arturo Nevill.

 

dimanche 27 octobre 2013

Zapolska et les théâtres parisiens

 

« Nulle part on ne trouve autant de théâtres qu’à Paris et en aucun endroit sans doute, un jeune auteur n’a plus de mal à se faire jouer, car chaque théâtre a son public et chaque théâtre a ses auteurs attitrés qui écrivent des pièces de telle ou telle façon pour tel ou tel acteur» écrivait Zapolska en 1895, dans un de ses articles, intitulé « Du monde des coulisses », qu’elle a envoyé à « Kurier Codzienny ».
Les théâtres, elle les connaissait bien, tant du côté des coulisses que de la scène, côté Cour ou côté Jardin. Au cours de vingt années de carrière artistique, sa manière de jouer avait évolué en même temps que l’apparition des nouveaux courants qui se manifestaient sur les scènes parisiennes. Ses débuts au théâtre en Pologne – avaient été difficiles.  Nous pouvons les comparer  aux premiers pas sur scène de la jeune actrice Nina, dans la pièce de Tchekhov, « La Mouette » qui voyageait, éreintée, en train de troisième classe,  pour jouer devant un public occasionnel. Des années trop difficiles pour une jeune rêveuse et passionnée du théâtre.
À Paris, en 1889, ses premiers contacts avec le métier d’actrice lui font voir les coulisses sordides des théâtres des boulevards. Elle travaille pour perdre son accent. Puis, elle fait connaissance d’acteurs de la Comédie Française qui l’encouragent à continuer et à poursuivre sa quête vers la scène. André Antoine l’engage dans son Théâtre Libre, où elle joue dans des pièces d’auteurs inconnus du public, refusées ailleurs.  Zapolska y rencontre une ambiance créatrice ; elle est heureuse de travailler avec Antoine. Celui-ci lui interdit de parler en polonais pour qu’elle fasse des progrès pour la prononciation. Bientôt, elle obtient un succès personnel dans le rôle d’une Princesse roumaine, Danesco, morphinomane. D’autres rôles affluent. Elle fait partie de sa troupe.
Vers la fin de son séjour, en 1895, elle joue dans le théâtre symboliste de L’Œuvre de Lugné Poe dans la pièce en un acte de Maurice Maeterlinck, « Intérieur », où elle joue la Mère. Son emploi se limite à celui d’une étrangère ou à celle à qui l’usage de la parole est restreint. Elle peut, ainsi rendre l’expression voulue du théâtre symboliste par le gestuel, par une mélodie étrange du texte, due à son accent.
« La Revue Blanche » mentionne : « Parmi les personnages muets de « l’Intérieur », Madame Zapolska, notre collaboratrice des « Lettres  Polonaises », a joué expressivement le rôle de la mère, Mmes Jenny Moore et Louise Durand ceux des jeunes filles ». Elle joue aussi avec succès dans le répertoire d’Ibsen, Maeterlinck, d’Emile Fabre.
 
 

 

jeudi 11 juillet 2013

Rabelais au Théâtre du NORD > OUEST




Il avait ouvert pendant un mois aux étudiants de 1968 l’ODÉON qu’il dirigeait depuis 10 ans – cela n’a pas plu au gouvernement : au moment de la reprise en main, Jean-Louis BARRAULT est brutalement remercié. En attendant de retrouver des jours meilleurs, il va s’installer dans une salle de catch du boulevard Rochechouart, l’ÉLYSÉE-MONTMARTRE. Bien avant de devenir une salle de catch, c’est l’ÉLYSÉE-MONTMARTRE qui avait lancé la GOULUE, avant qu’elle ne soit kidnappée par le MOULIN-ROUGE… Passons – c’est une autre histoire… BARRAULT ne perd pas de temps : dès l’automne, il présente une pièce qui est jouée sur le ring même : RABELAIS. La critique en est époustouflée : c’est du BARRAULT, bien sûr, et ce sont tout autant des textes tirés de l’œuvre de RABELAIS.

Le savions-nous assez ?, écrit alors Guy DUMUR qui n’était pas n’importe quel critique. Notre langue châtrée par RICHELIEU et par LOUIS XIV (et je ne parle pas seulement des obscénités), peut être aussi cette prodigieuse liberté. Rien ne nous prouve que nos auteurs ont le courage d’attaquer les gens et les institutions que RABELAIS attaquait et qui sont, à peu de chose près, les mêmes qu’il faudrait attaquer aujourd’hui. RABELAIS aussi aurait été chassé de l’ODÉON, de la SORBONNE… Il l’a été.

On se sent tout humble devant de telles références. Les extraits qu’Antoinette GUÉDY a choisis et que je vais vous lire, sont simplement une invitation pour repartir à la découverte de cette œuvre si prolifique. Chacun d’entre nous connaît RABELAIS à sa manière. Il y a certainement parmi nous des spécialistes qui en ont déjà amplement sucé la substantifique moelle.


Qui était François RABELAIS ?

RABELAIS est né en Touraine près de Chinon, vers 1494. Après une enfance où il est un peu laissé à lui-même – manger, boire et dormir – il est envoyé, à l’âge de 9 ans, dans des abbayes et des couvents pour y recevoir une instruction religieuse et l’orienter vers les ordres. À la différence de ses compagnons, il s’adonne avec ferveur aux études. À l’approche de la trentaine, il fréquente des universités, successivement de droit et de médecine – une discipline qu’il pratiquera et enseignera effectivement. Il quitte la vie monastique, et se lie avec une veuve, dont il aura deux enfants – qui seront légitimés par le Pape une douzaine d’années plus tard.

Ceci est notamment dû au fait qu’il était un protégé de l’oncle de Joachim DU BELLAY (Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage…). Cet oncle s’appelait Jean DU BELLAY : il fut archevêque de Paris puis devint cardinal. Le roi FRANÇOIS 1er lui confia d’importantes missions diplomatiques, notamment auprès du Pape : c’est ainsi qu’il emmena RABELAIS en Italie.

Cette situation permit à RABELAIS de bénéficier d’une double protection – pontificale et royale – et de publier ses ouvrages alors que certains de ceux-ci étaient considérés comme hérétiques par les théologiens de la SORBONNE, et censurés à ce titre.

Sa carrière d’écrivain commence en effet, vers l’âge de 35 ans et il y consacrera une bonne part du reste de sa vie. Il meurt vers les 60 ans.

En quoi consiste son œuvre ?

Ce qu’il écrit tourne autour de personnages qui sont des géants : GARGANTUA est le fils de GRANDGOUSIER et de GARGAMELLE, et il est le père de PANTAGRUEL.

Il produit ainsi cinq ouvrages : le plus célèbre, dès sa parution, est GARGANTUA ; les quatre autres sont consacrés à PANTAGRUEL, dont le dernier – le CINQUIÈME LIVRE – ne fut publié qu’à titre posthume.

À ses débuts, l’auteur signe Alcofribas NASIER, anagramme de François RABELAIS : on réaménage les lettres comme aujourd’hui au Scrabble. Il ne veut pas de confusion avec les critiques de traités médicaux antique qu’il publie par ailleurs sous son véritable nom. Il abandonnera cette fiction ensuite.

Un des paradoxes de l’œuvre est que, compte tenu de l’époque, elle parvient en priorité à un public encore restreint de lettrés, alors qu’elle puise dans les contes populaires ou les romans de chevalerie – notamment le cycle du ROI ARTHUR et la conquête du Graal.

Ces géants ne sont pas des ogres cruels. Ils sont débonnaires et gloutons. Le nom de GARGANTUA ne vient-il pas en écho de GARGAN, une bienveillante divinité gauloise en remontant au temps des mégalithes dressés et des cultes de la fécondité ? Bien des lieux et des monts en France portent ce nom, que le catholicisme a, selon les cas, diabolisés ou – au contraire – rattachés à la légende de l’archange SAINT MICHEL. Plus près de nous, le rapprochement n’a pas manqué avec le personnage d’OBÉLIX et avec son interprète au cinéma : corpulence, ripaille, menhir, Dive bouteille… l’énumération pourrait se poursuivre.

Au-delà de la caricature, les géants de RABELAIS nous emmènent dans un univers au service du rire, de l’ouverture d’esprit, de la tolérance et de la paix. Ils sont la transposition physique de l’appétit intellectuel et humaniste de la Renaissance. Lors de la guerre contre PICROCHOLE, GARGANTUA va jusqu’à laisser à ses ennemis une échappatoire afin que ceux-ci s’enfuient. C’est dans le programme d’études qu’il dresse pour son fils PANTAGRUEL qu’il souligne que : Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.



Où se situent les quelques extraits qui vont être lus ?

Venons-en aux extraits qui ont été choisis. Les premiers sont tirés de GARGANTUA et les suivants du CINQUIÈME LIVRE :

En hors-d’œuvre, quelques mots de l’auteur à ses amis lecteurs. C’est bref mais ce sont dix vers qui donnent le ton, en ce sens que le rire est le propre de l’homme.

Vient ensuite l’emploi du temps d’un jeune écolier. On est dans le registre du manger, boire et dormir…

Autre thème : la vie monacale. PANURGE, un ami de PANTAGRUEL et à qui une histoire de moutons restera collée pour l’éternité, interroge cette fois un des membres d’une communauté des moines Fredons – des moines qui fredonnent. Ceux-ci cohabitent avec des sœurs de charité avec lesquelles ils ont des relations particulièrement suivies. Ce qui motive une centaine de questions de curiosité… et autant de réponses – chacune réduite à une seule syllabe. Allusion ironique à la règle du silence dans les monastères ? Performance littéraire en tout cas et jeu en contrepoint entre la frivolité du propos et la sobriété du vocabulaire.

Tendez notamment l’oreille à deux de ces échanges en ping-pong :
Que disent-elles en culletant ? Réponse : Mot.
               La règle monastique du silence serait-elle sacrifiée en cette occasion ?
Vous font-elles des enfants ? Réponse : Nuls.
               Cela fait une trentaine d’année, la revue POPULATION de l’INED a regretté, avec une certaine amertume, que le médecin écrivain RABELAIS n’ait pas témoigné davantage sur les pratiques de l’époque en matière de contraception.


Le dernier extrait – qui se terminera sur un rythme assez dansant – relate un souper particulièrement copieux qui fut servi aux dames du LANTERNOIS. Nous n’avons gardé qu’un échantillon de la multitude des plats énumérés. Idem quant aux titres des danses censées clore le festin – on dépasserait sinon les 300. Ce qui donne un aperçu de la richesse du vocabulaire chez RABELAIS. Quand on se souvient que celui de RACINE se limite à 1500 en tout et pour tout, on est dans un autre monde pour d’autres performances…

Mais que cette débauche de plats et de mots ne nous égare pas… Le LANTERNOIS, c’est le pays des Lanternes… Il est peuplé de Lanternes vivantes – dont la Reine, revêtue de cristal de roche. Ces Lanternes représentent la sagesse et la vertu. Il s’agit en fait d’un dîner philosophique. Le banquet achevé, chacun des convives aura le choix d’une Lanterne pour le reconduire.


Introduction préparée par Arturo NEVILL



lundi 11 février 2013

Stella Maris





Il est des évènements qui peuvent vous travailler toute une vie – même si celle-ci a été bien remplie et avec talent. C’est ce que nous livre Gabriela Zapolska dans une courte pièce, publiée il y a exactement 100 ans (en 1913) puis jouée quelques mois plus tard à Varsovie, à Lodz et à Lviv (que l’on appelait alors Lwów, et qui se trouve actuellement en Ukraine).
Elle évoque – avec quel sens de l’écriture et de la dramatisation, fut-elle distanciée ! – la perte, plus de trente ans auparavant, de son enfant nouveau-né. Un remord lancinant, donc.
Mais ne s’agit-il que de cela ?

L’auteure

Les fidèles lecteurs de ce bloc-notes la connaissent bien. Gabriela Zapolska (1857-1921) est célèbre pour ses pièces de théâtres. Certaines ont été reprises sous tous les régimes par lesquels la Pologne est passée depuis un siècle, et sont toujours à l'affiche aujourd'hui dans son pays. Elle a également été romancière, chroniqueuse dans des journaux, et actrice : elle a joué pendant plus de 20 ans.

Elle a séjourné en France pendant six ans (1889-1895) et joué au Théâtre Libre d’Antoine et au Théâtre de L’Œuvre de Lugné-Poe. Compagne du nabi Paul Sérusier, elle a fréquenté le milieu des peintres de l’époque.

Les chroniques parisiennes, qu'elle a fait parvenir tout au long de son séjour à des journaux polonais, totalisent un millier de pages et sont un apport remarquable en raison de l’information qui y est rassemblée sur la vie artistique, culturelle et sociale de cette Fin-de-Siècle. C’est presque un journalisme d’investigation, servi par une curiosité toujours en alerte et une plume particulièrement vivante.

De retour en Pologne, Zapolska a cherché à y promouvoir la façon de jouer, la mise en scène et l’écriture qu'elle avait découvertes en France. Ses pièces les plus célèbres datent des premières années du XXe siècle.


STELLA MARIS (1913)

Sont ensuite venues d’autres pièces – moins connues mais où l’on retrouve bien la patte de Zapolska. Ces sont des œuvres dites tardives qui, bien qu'elles aient été présentées à plusieurs reprises peu après avoir été écrites, n’ont été exhumées et publiées que l’an dernier (2012) à l’initiative de l’Université de ląsk à Katowice.

Celle-ci a en effet fait paraître un ouvrage, de plus de 600 pages en deux tomes, sur des œuvres théâtrales de Gabriela Zapolska, qui n’avaient pas encore été publiées (Niedrukowane dramaty Gabrieli Zapolskiej). Il a été réalisé sous la responsabilité de Jan Jakóbczyk, avec la collaboration de Krystyna Kralkowska-Gątkowska, Krystyna Kłosińska, Magdalena Piekara et Jerzy Paszki. Il comprend une introduction sur les écrits de Zapolska pour le théâtre pendant les 10 dernières années de sa vie et – outre le texte des pièces enfin publiées – un commentaire sur chacune d’entre-elles ainsi que des indications sur les représentations qui en ont été faites.

Il rassemble ainsi quatre pièces, le plus souvent en trois actes : Nerwowa awantura, Pariasy, Carewicz, Asystent. Celle qui nous intéresse le plus ici, Pariasy, consiste en cinq esquisses scéniques.

L’une d’entre elle – Stella Maris qui tient en une petite quinzaine de pages – mérite que l’on s’y arrête un peu. A trente ans de distance, ce n’est rien d’autre que l’évocation d’un élément fort de la biographie de Zapolska. Peu après avoir eu vingt ans, elle s’était éloignée de son mari pour jouer dans des troupes itinérantes. De sa relation avec l’un des directeurs, elle avait eu une enfant qui était ensuite morte en bas-âge.

C’est ce qui est ici repris sous une forme dramatisée, Le plus surprenant est d’y retrouver, pratiquement mot pour mot, des phrases que Zapolska avait utilisées longtemps auparavant, en privé dans ses lettres, pour s’exprimer sur cet épisode douloureux. Trente ans plus tard, donc – on se doute que cela l’a travaillée. En prendre conscience éclaire une partie de son parcours personnel.

C’est cette courte esquisse scénique que j’ai traduite et adaptée en vue d’une lecture-spectacle, avec Arturo Nevill.

Alors que l’on rattache plutôt Zapolska au courant réaliste (on l’a même parfois, de façon forcée, dénommée la Zola polonaise), cette pièce semble aussi bien emprunter au courant symboliste. Elle est servie par le savoir-faire de Zapolska qui avait déjà largement fait ses preuves comme dramaturge – mais aussi parce que le thème de la perte de son enfant la rongeait depuis longtemps et n’avait pas encore trouvé à s’exprimer. On y trouve la cicatrice qui ne se referme pas – lorsqu'elle est face à des enfants qu'elle cherche à amadouer – la difficulté de l’aveu, la culpabilité…

C’est essentiellement un dialogue entre une femme (c’est elle qui est travaillée par le souvenir et le remord) et un homme (qui s’avère être un prêtre âgé, aux formules éventuellement stéréotypées, mais qui en a certainement beaucoup vu). Le narrateur nous y fait entrer avec des accents parfois plus proches du symbolisme que du réalisme dont on a fait une image de marque pour Zapolska.

Nous sommes au bord de la mer, dans cette Bretagne où elle a vécu plusieurs mois : une bande d’enfants apporte un contrepoint  animé, coloré, vif à la répartie  aux évocations de mort qui ne vont pas tarder à s’exprimer.
Si la perspective va vers un apaisement qui prendrait une dimension cosmique, voire religieuse – avec un final en forme d’ouverture, mais sans donner de leçon – on peut aussi déceler dans ce dialogue la confrontation de deux mondes irréconciliables : à quoi peuvent servir de bonnes paroles dans de telles situations ?
Dans la présentation que nous livre le narrateur, un mot, si brièvement avancé qu'on serait tenté de l’escamoter, ouvre encore une autre porte : Les personnages que nous voyons joués devant nous sont des défunts. Réalisme, symbolisme… romantisme ? Ne renouons-nous pas ici avec cette évocation des morts – telle que celle à laquelle on assiste au début des Aïeux de Mickiewicz – destinée notamment à racheter leurs âmes de ce qu'ils ont commis de leur vivant ?
La fréquentation des écrits de Zapolska laisse enfin poindre une autre dimension – explicite ailleurs, plus implicite ici : que laissons-nous à la postérité ? Pour elle, l’écriture permet, plus efficacement que d’autres moyens – la présence de l’acteur ou de l’actrice sur scène par exemple – de laisser une trace que les générations futures pourront de nouveau découvrir.
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C’est à la lecture-spectacle de cette courte pièce qu'ont été conviés récemment, fin janvier, les spectateurs du Théâtre du NORD > OUEST, près des Grands Boulevards à Paris. Il est envisagé de reprendre cette lecture fin mai, dans la Galerie de L’ENTREPÔT, dans le quartier de Montparnasse



EXTRAITS

Le bord de la mer. L’horizon tout entier est un enchantement de couleurs pastel, étalées, comme si l’ange de l’endroit avait laissé ses habits flotter dans le vent et les avait étendus sur ses ailes déployées.

C’est d’une merveille et d’une beauté sans limite, d’un calme qui apaise et qui inonde l’âme. On pourrait dire qu'il n’y a pas ici de gens méchants ou difformes. Qu'il n’y a ni mensonges ni larmes, que le crime n’existe pas – une fable.

La Dame
Qui veut des bonbons ? Qui en veut ?

Les enfants
On fait des châteaux de sable, on n’a pas de temps.

La Dame
        Prenez-les, je vous en supplie !

Les enfants
        Nous faisons des châteaux de sable.

La Dame
        Alors, et alors quoi ?

Les enfants
        Et toi, tu nous laisses tranquille !

La Dame
        Et toi, tu nous laisses tranquille. Oui, c’est ça.
 …   …   …

L’Homme
        Et vous n’avez jamais eu d’enfant ?

La Dame
        Non.

L’Homme
        L’enfant c’est le sel de la vie. C’est ce qui en fait le charme, l’agrément. Un moment vient où la jeunesse s’éloigne… On veut retrouver une jeunesse, avec cette fraîcheur de sensations et de sentiments. Mais c’est en vain… Tout comme ces vagues, le temps s’enfuit et ne revient pas. C’est alors de chez l’enfant que vient une force merveilleuse… et que, de nouveau, on redevient jeune, frais, épanoui. Ce serait la sensation la plus forte et la plus parfaite qui existe.

La Dame
        À ce que l’on dit… Vous aussi, vous n’avez pas d’enfants ?

L’Homme
        Non, Madame. Mes enfants c’est l’humanité toute entière.
  …   …   …

La Dame
        J’ai tué mon propre enfant.

L’Homme
        Malheureuse ! Dites-moi toute la vérité.

La Dame
        J’étais presque encore une enfant. J’avais soif de tout... avoir de l’aisance, une situation, l’amour… On me l’avait promis, j’y ai cru. J’ai été déçue. On m’a laissé tomber… J’ai erré comme un chien. J’ai accouché d’un enfant dans un fossé sur le bord de la route et… je l’ai tué… Je lui ai fracassé la tête avec une pierre !... Là, où il y maintenant des brillants, des rubis, il y avait du sang, couleur de rubis, celui de mon enfant…

On m’a arrêtée, jugée, puis libérée. J’ai maintenant tout ce que je voulais au début : l’aisance, une situation, l’amour. Mais je n’ai pas d’enfant. Et je n’en n’aurai jamais plus. Car même si je pouvais en avoir un, je ne pourrais pas supporter qu'il apprenne un jour que sa mère est une moins que rien et une criminelle.
  …   …   …

Le soleil s’est couché derrière l’horizon sombre – seule une étoile est apparue.



samedi 4 août 2012

Pavillon théâtral (Expo 1889)

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Les lecteurs de ce bloc-notes le savent amplement : lorsqu’elle arrive à Paris en 1889 comme correspondante de journaux varsoviens, Gabriela Zapolska trouve un sujet en or – l’Exposition Universelle de 1889 vient de s’ouvrir. Mais, actrice qui vient de passer une dizaine d’années sur les planches en Pologne, elle a une autre motivation au moins aussi importante : le théâtre – elle veut jouer sur scène en français à Paris et gagner ainsi une belle notoriété dans ce métier.
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Dès qu’elle apprend que l’Exposition Universelle abrite un pavillon théâtral, elle s’y dirige naturellement, attirée comme le loup vers la forêt, écrit-elle. Ce qui nous vaut un article particulièrement intéressant – et pas seulement pour les spécialistes du théâtre – qui a paru dans Kurier Warszawski, au mois d’octobre de la même année.
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Article intéressant dans la mesure déjà où il est difficile de trouver ailleurs un compte rendu sur ce pavillon : même un critique dramatique comme Jules Lemaître reconnaît, dans ses délicieux Billets du Matin (près de 200 pages) qui couvrent cette période, s’être rendu près d’une quarantaine de fois à l’Exposition Universelle et ne pas y avoir tout vu… Pas un mot notamment sur ledit pavillon. Or celui-ci, situé dans le Palais des Beaux-Arts, faisait novation et se révélait d’une richesse incomparablement autre que ce qui avait été exposé sur ce sujet lors de l’Exposition Universelle précédente, en 1878.
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Article intéressant, comme on s’en doute, du fait de sa curiosité que Zapolska nous fait partager, sur un sujet qui la fait vibrer. Intérêt démultiplié aussi par le talent avec lequel elle met en scène son parcours au sein du pavillon. Ce n’est pas pour rien qu’au cours des précédentes années elle a vécu du théâtre, en jouant bien sûr mais en commençant à écrire ses propres pièces aussi, ainsi que des transpositions en polonais qu’elle faisait de pièces étrangères – françaises principalement – pour la troupe qui l’avait accueillie.
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À certains endroits de cet article journalistique, on croit presque reconnaître des didascalies – ces commentaires par lesquels l’auteur d’une pièce de théâtre note quelques points qu’il lui semble important de souligner pour le metteur en scène (ici : pour le lecteur). Et Zapolska sait en même temps capter une situation concrète – la présence d’un groupe scolaire de jeunes anglaises qui perturbent l’attention des autres visiteurs – afin de créer une tension dramatique qui fournit un fil rouge tout au long de l’article… Au point qu’à un certain moment, elle se trouve obligée de parcourir cette exposition théâtrale à l’envers.
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Celle-ci a été rendue possible grâce, surtout, à des prêts de la Comédie-Française et de l’Opéra. Elle couvre l’ensemble du domaine : affiches, maquettes, bustes et portraits d’acteurs des 18e et 19e siècles, marionnettes, bijoux et costumes du théâtre et de l’Opéra, manuscrits d’auteurs, partitions de compositeurs, transcription des rôles mis sous les yeux des souffleurs…
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Extraits (traduction que j’ai adaptée en compagnie de M. Arturo Nevill) :
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Au centre même du Palais des Arts libéraux, il y a une rotonde et un petit pavillon attenant. Cette rotonde, une sorte de tente, est dotée d’un perron circulaire qui permet d’en faire le tour. Sur cette paroi, on a arrangé de petites maquettes de scène de façon panoramique, où sont disposés des décors utilisés à l’Opéra de Paris.
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En le parcourant, j’ai eu envie de noter comment s’appelaient certains décors, parmi les plus beaux, magnifiquement réalisés, quant à la perspective notamment. Mais un groupe de jeunes anglaises m’a poussée, comme un troupeau de jeunes poulains, en criant et en se bousculant sans faire attention. […] Ces petites miss avec leurs coiffes bleu-marine se retrouvaient en permanence dans mes jambes. […] En voyant leurs couvre-chefs bleu-marine, les Français se sauvent en criant : « Ohée ! Les Anglais ! » – et ils ont parfaitement raison.
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[…] Ce qui m’a d’abord saisie a été une figure en cire de grandeur nature d’un bel homme en habit de velours noir. C’était Mounet-Sully, la coqueluche des parisiens, l’étoile de la Comédie Française […] Le héros tragique est ici représenté dans le rôle d’Hamlet et sa représentation en pied est empruntée au célèbre Musée Grévin. Une foule de femmes se presse devant cette figurine en joignant les mains comme pour une prière. Il est beau… rien à dire. Mais plus beau encore est son talent, doublé d’intelligence, par lequel il charme et ravit les spectateurs.
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[…] Les coiffes bleu-marine se retrouvent de nouveau dans mes jambes. Bien malgré moi, je dois me soumettre à leur tyrannie et commencer par la fin […] pour terminer par le début de l’exposition – c’est-à-dire, par Molière.
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[…] Sur une étagère, une effigie de Talma avec cette légende : « Talma, dans le rôle de Marigny, 1805 ». Cette petite statuette en cire de Talma garde une extraordinaire ressemblance, quant aux traits de son visage, ici grimé de fards de scène. Sans doute utilisait-on alors de gros effets, car le visage de l’artiste donne l’impression  d’un masque de clown de cirque.
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[…] Un buste d’Halévy [celui qui a créé des opéras comme la Juive, la Dame de Pique…] et, au-dessus de lui, le tableau d’une répétition générale dans la salle Ventadour en 1847 [au début du 19e siècle, l’opéra à l’italienne se jouait dans plusieurs salles à Paris ; après l’incendie de la salle Favart en 1838, l’Opéra a commencé à donner des spectacles dans la salle Ventadour, puis à l’Odéon ; la salle Ventadour est celle d’un théâtre, non loin de l’Opéra Garnier – depuis reconvertie.] Nous voyons que la salle était remplie au moment des répétitions générales – selon moi, c’était nécessaire, dans la mesure où on voulait éviter de donner l’impression qu’il s’agissait… d’une répétition générale.
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[…] C’est sur Molière que se termine ce qui est exposé dans la rotonde. Il ne roule pas des yeux ni ne cherche à séduire [allusion à l’attitude d’une « coquette », décrite juste avant] – mais il pense… et, grâce à cette pensée, sa statue s’impose pour la postérité.
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Il me faut aussi mentionner la collection d’Édouard Pasteur.  Tous les acteurs de la Comédie-Française [de l’époque] y sont représentés – ce sont des portraits à l’aquarelle, très bien rendus [sont notamment mentionnés : Clarétie, Samary, Mounet-Sully, Sarah Bernhardt, Worms…] Au-dessous de cette lettre, on découvre, de plus, la tête énergique de Zola qui, bec et ongles, s’est octroyé cette place d’honneur.
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[…] Il y a encore les plans des principaux théâtres, une salle de l’époque impériale – simple et dépouillée, blanche du fait de ses colonnes – ainsi que l’intérieur de la Comédie-Française en 1790. Quelques pianos forte Pleyel de 1809…
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Zapolska conclut sur quelques réflexions qui lui sont personnelles :
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Il flotte comme le souvenir de cette délectation qu’apporte depuis toujours la fine fleur des artistes.
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Ils se sont tous rencontrés ici, aussi bien les créateurs que ceux qui le mettent en œuvre. Mais ce n’étaient pas de simples artisans, ce n’était pas pour le gain qu’ils se produisaient devant la foule des spectateurs pour, avec ces derniers, se laisser imprégner par harmonie du chant et celle de la parole. C’est pour cette raison que le charme dans lequel baigne cette partie de l’exposition est si puissant, car là se trouve la demeure du génie ! Celle d’un art authentique s’appuyant sur l’intelligence – et sur un sentiment vrai.
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Illustration (dans le sens des aiguilles d’une montre) : Sarah Bernhardt, Molière, Mounet-Sully, Talma.
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jeudi 5 juillet 2012

Pour Maurice Chevit

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Il est des moments où l’Histoire – en lettres majuscules – vient frapper à votre histoire personnelle. C’est ce qui me semble clairement s’être passé pour Maurice Chevit.
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Né en 1923 à Paris, il vient de s’éteindre lundi dernier : ses obsèques sont célébrées ce vendredi 6 juillet, à 14h30, à l’église Saint-Pierre de Charenton.
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Adolescent, le chemin devient vite escarpé entre ses origines, son engagement, sa rencontre avec Pauline, la prison, sa conversion, la Guerre, la Résistance, son frère arrêté et déporté…
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Viendront ensuite la vie avec Pauline, la famille, le parcours professionnel – mais tout aussi bien ce trésor de bonté que tous lui reconnaissent... et l'ouverture à de nouveaux engagements auxquels il nous invite – aujourd’hui même, encore et manifestement – à participer : aux fleurs, il est préféré des dons à Amnesty International ou à ATD Quart-Monde.
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C’est à l’occasion d’une conjonction, beaucoup plus modeste, de mon histoire personnelle et de l’Histoire, que j’ai eu la chance de rencontrer Maurice. Comédienne venant de faire ses débuts à Varsovie, projetée à Paris, coupée de ma langue maternelle et de l’expression par la parole – il m'a évoqué ses racines familiales juives dans la ville de Radom ; il m’a orientée ; lui et Pauline ont eu la gentillesse de m’inviter chez eux.
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Acteur apprécié et aimé, il était animé par une foi chrétienne qui n’était pas celle d’un renfermement au sein d’une religion, animé par une foi tournée vers les autres.
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Ceux qui l’ont connu au cours des années ’70 au sein de l’association UCTM – l’Union Catholique du Théâtre et de la Musique – parlent de lui comme d’un fer de lance, animant des débats passionnants et avançant des arguments remarquables.
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C’est vers la même époque que – ayant constaté, dit-on, que la lecture des textes évangéliques, au cours d'un mariage, avait laissé à désirer – il a pris l’initiative de créer des Ateliers de la Parole, animés par des acteurs professionnels, à l’intention de laïcs, et de prêtres. Au-delà de lui, cette activité se poursuit toujours actuellement.
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L'illustration de ce billet rassemble l'affiche de la pièce Brooklyn Boy (à la Comédie des Champs-Élysées), à l'occasion de laquelle Maurice Chevit a reçu de nouveau le Molière du second rôle en 2005, et une photographie prise de la couverture du livre autobiographie paru aux Éditions de la Lagune en 2008 (J'm'arrête pas, j'suis lancé).

Pour qui ne souhaite pas se contenter de la reprise à satiété sur Internet, ou de la paraphrase du communiqué de l’AFP, se reporter notamment :
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Au blog de Pascale Fournier (journaliste et animatrice de radio)
A celui d’Armelle Héliot (critique théâtrale au Figaro)
A celui de Carmadou (un couple qui fait partager lectures, sorties)
A celui de Rémi C. (s’intéresse à la chanson, aux seconds rôles...)
A l’article d’Alain Riou dans le Nouvel Observateur
A celui de Stéphane Dreyfus dans la Croix