samedi 18 juillet 2009

Les Salons de peinture

Je suis souvent allée à des Salons de peinture en compagnie de mon ami Stefan. Lorsqu’il est parti pour Varsovie et Moscou, j’ai continué avec mon cher professeur d’art dramatique, Mary Samary.

En Bretagne, où j’ai passé des vacances, j’ai rencontré Paul Sérusier et un groupe de
Symbolistes. Quand je visitais les Expositions, leurs tableaux me faisaient rire, alors que Stefan les regardait avec sérieux. Ces peintres – les Symbolistes – portaient des sabots et des habits de paysans, fumaient la pipe et discutaient sans cesse de tons et de couleurs. Ils se sont eux-mêmes appelés Nabis.

J’aime la peinture. Moi-même, à l’époque, je me suis acheté une boite de couleurs et j’ai peint quelques croûtes – on dirait des paysages – tout bleu car la mer est bleue, bien que verte par endroit. Plus je contemplais cette étendue d’eau, plus j’étais convaincue qu’aucun peintre n’arriverait à bien rendre la mer sans utiliser les couleurs or et argent. J’ai sympathisé avec ces peintres et j’ai assisté à des scènes de leur vie et à leur manière de concevoir leurs tableaux. La présence de Paul Sérusier dans ma vie a été une découverte formidable. Il m’a appris à regarder autrement la peinture… et ne plus avoir peur de la mort. J’ai écouté ses théories le jour et la nuit. Nous pensons parfois à nous marier.

Au début, les Symbolistes, on les appelait les
Synthétistes. Ils étaient une petite poignée : Gauguin, Bernard, Anquetin. En 1889, au cours de l’Exposition Universelle, ces artistes ont organisé une petite exposition dans un modeste café : c’est de cette manière qu’ils ont attiré l’attention du public. Le nom de Symbolistes leur a été donné par un groupe de poètes qui portaient déjà ce nom et qui ont trouvé que ce genre de peinture dénotait une filiation commune à ce qu’il y avait dans leurs œuvres.

En tant que le chef de file, Gauguin a consenti à cette dénomination : celle-ci s’est imposée depuis. Pour se moquer, le prolétariat de la peinture les a surnommés : les Symbolos. Gauguin a commencé comme
Impressionniste mais il est parvenu à quelque chose de plus parfait et de plus complet. Transmettre des impressions reçues en observant la nature ne suffisait pas à son imagination. Il s’est alors tourné vers le gothique et vers les primitifs. Il a ainsi compris qu’il manquait un style à l’art contemporain. Mais ne voulant pas imposer à tous un seul style, un seul schéma, une seule manière – ce qui serait absurde. Il a souhaité que chaque artiste fasse sortir de son âme le style qu’il avait en lui. Il s’est également consacré à la composition, comme condition nécessaire pour créer un style décoratif.

Van Gogh était un artiste doté d’une fantaisie folle et d’un tempérament, un coloriste dont la richesse des couleurs éblouit. Éprouvé de son vivant dans son corps par la maladie et par le dénuement, il possédait un esprit puissant, qui rassemblait en lui-même presque toutes les écoles de peinture. Comme peintre, il était Impressionniste. Comme dessinateur, il était Caractériste et, dans la manière d’exprimer ses sentiments et les idées qui le tourmentaient, il était Symboliste.

Van Gogh a pris Monticelli et Gauguin pour maîtres et, en laissant la bride à son tempérament ardent et flamboyant, il a regardé la nature à travers ce prisme. Il s’est élancé vers la lumière, vers des lueurs aveuglantes et, tout à coup, il s’est enfoncé dans l’obscurité… il est devenu fou ! Qu’est-ce que la folie – Qu’en savons-nous ? Le génie et la folie ne sont-ils pas du même lit ? Sur leurs ailes, les génies portent le monde vers la lumière et aucune camisole n’en a entravé les ailes ! Les ailes de Van Gogh nous ont livré plusieurs dizaines de toiles où il ne s’agit pas d’une «imitation parfaite» de la nature mais où nous devinons, en les regardant, comment lui, Van Gogh, voyait la nature.

Une toile de Van Gogh, j’en ai une qui est accrochée dans mon atelier – un joyau qui, dans quelques dizaines années, n’aura pas de prix. Mon appartement se transforme peu à peu en un musée. J’ai aussi des toiles de Gauguin, Maurice Denis, Vuillard, Anquetin, des sculptures en bas-relief. Il me manque des murs pour les accrocher et six toiles sont dans mon cabinet de toilette, en attendant des jours meilleurs, quand j’aurais un appartement plus grand. J’ai un grand tableau que m’a donné Antoine : entièrement peint avec des points – cela va faire sensation à Varsovie. J’aurais aimé d’avoir l’un des tableaux de ces Symbolistes, peint en trois couleurs seulement et qui représente de petits monstres.

Vous savez… pendant ces six années à Paris, j’ai beaucoup appris: à sentir, à penser, à regarder le monde et l’art, l’évolution sociale, et à trouver le sens de l’existence. Qui étais-je avant ? Une machine sans intelligence, poussée au gré des vents et de mes éditeurs… En un mot, je suis devenue un être humain.

Et maintenant, avant le bref voyage que je compte faire à Varsovie après tant de temps, j’ai encore à préparer mon rôle de la Femme aux Rats, dans le
Petit Eyolf d’Ibsen que je vais jouer au Théâtre de L’Œuvre de Lugné-Poe… un théâtre Symboliste. Je compte revenir bientôt à Paris – car Sérusier m’attend.
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(D'après des traductions-adaptations de Lisbeth Virol & Arturo Nevill)
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A L'ENTREPÔT
7/9 rue Francis de Pressensé
dans le 14ème (métro Pernety ou Plaisance)
le 1er septembre à 19 heures 15
Lecture de textes de Zapolska sur Paris
(entrée libre - durée d'environ 1 heure)

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